Auch, 2013…
Lisa et Tony se postent devant le commissariat, entamant leur journée de travail par ce rituel incontournable, un gobelet de café brûlant dans une main, la cigarette dans l’autre.
Puis, durant une heure, ils participent à la réunion quotidienne animée par le commissaire et qui leur permet d’analyser les plaintes au jour le jour et de faire le point sur les affaires en cours : vol à la tire, vol de voiture, passage à tabac d’un dealer connu des services de police,…
La journée se poursuit au rythme des interpellations, des auditions, de la rédaction des procès-verbaux. Les deux personnes suspectées d’avoir agressé le dealer sont relâchées au bout de quatre heures faute de preuve et d’aveu.
Lisa vient de terminer de taper son rapport. Quatre pages et une heure assise devant son écran d’ordinateur sans bouger. C’est plus qu’il n’en faut ! Des picotements courent le long de ses jambes tels mille infimes décharges électriques. Elle repousse son fauteuil avec colère. Fichu mal de dos qui se rappelle à elle ! Elle déplie le fin tapis de sol qu’elle avait ramené le matin de chez elle et l’étend sur le parquet. Le kinésithérapeute qui la traite l’a incitée à faire des exercices simples dès qu’elle sentirait ces picotements, même sur son lieu de travail. Alors… couchée sur le dos, puis sur le côté, elle tente de reproduire les exercices appris chez son masseur. Inspirer ! Expirer ! Hanches ! Dos bien droit ! Gare à la cambrure !
Lisa s’énerve, se raidit, respire mal et envoie voler son tapis de sol – ce qui au passage lui provoque une vive douleur dans les lombaires – au moment-même où Tony rentre dans son bureau un gobelet de café à la main.
– Waouh, Lisa ! Tu t’es mise au sport ! Au lancer de tapis de sol… Original !
– Au diable le sport ! Au diable les kiné et leur médecine « douce » ! dit Lisa en formant avec l’index et le majeur de chacune de ses mains le symbole des guillemets.
– Je venais te proposer de boire un café avec moi, mais peut-être as-tu eu une dose suffisante de caféine pour aujourd’hui ? plaisante Tony.
– Je ne suis pas énervée ! Je suis… Tu as raison, je suis énervée. Que veux-tu, moi la relaxation me tape sur les nerfs. Plus j’essaye de me détendre et de me relâcher, plus je me tends et me crispe ! Descendons boire un café…
Lisa et Tony empruntent l’escalier qui mène à l’accueil. Lisa raconte à son collègue que lors de son rendez-vous à la clinique au moment de sa première crise, le rhumatologue qu’elle avait rencontré lui avait dit en souriant qu’elle avait « les inconvénients de ses avantages » !
– Te rends-tu compte Tony, j’étais là, devant lui, incapable de me tenir plus de deux minutes debout, ou assise, ou couchée et lui il dissertait avec son air béat sur ma jolie cambrure !
– Autant que je m’en rappelle, je dois reconnaître que tu as effectivement une belle cambrure…
– Tony !
C’est en plaisantant que tous deux rejoignent le hall d’accueil pour accéder à la sortie. Le standard téléphonique, à son habitude, n’en finit pas d’égrainer ses sonneries stridentes. Alex a décroché le combiné. Lisa et Tony s’approchent de lui tout en soulevant le gobelet de café qu’ils tiennent à la main pour lui signifier qu’ils s’octroient une pause devant le commissariat.
– Je comprends… restez calme… ne bougez pas de l’endroit où vous vous trouvez… Ne touchez à rien… j’envoie immédiatement un officier de police judiciaire.
Alex raccroche.
– Lieutenant Utirac ?
– Oui, que se passe-t-il Alex ?
Lisa qui s’apprêtait à passer la porte tenue ouverte par Tony, se retourne et se rapproche du gardien de la paix.
– Un certain… Michel Salles, dit Alex en consultant ses notes, vient d’appeler. Il se trouve sur les rives du Gers, en bas de l’escalier monumental. C’est un pêcheur et il vient de faire une drôle de prise !